Faire adopter des comportements plus durables est un défi complexe, bien plus qu’une simple question de motivation. Lors de l’Event Smart Energy 2025, le journaliste et producteur Jonas Schneiter (Nous.prod) a partagé les résultats de plus de 18 500 études sur le sujet. Son constat ? Les approches classiques – informer, responsabiliser, motiver – ne suffisent pas. Pour déclencher un vrai changement, il faut agir sur plusieurs leviers en même temps, tout en évitant les pièges de notre cerveau.
Le dérèglement climatique est un problème abstrait et lointain. Même après des catastrophes comme les inondations de Blatten, les solutions restent floues pour le grand public. « Les éoliennes sont concrètes, mais l’énergie qu’elles produisent reste abstraite », souligne Jonas Schneiter.
Autre obstacle : le manque de connaissances. Les spécialistes surestiment souvent ce que sait la population. Par exemple, si on demande « Qu’est-ce qui pollue le plus : ne pas recycler ou prendre l’avion ? », la majorité répond « ne pas recycler », alors que c’est l’avion qui a un impact bien plus fort.
Mais le vrai frein, ce sont les biais cognitifs qui déforment notre perception :
- La réactance : Plus on nous ordonne de faire quelque chose (ex. : « Rentrez à 17h ! »), plus on a envie de faire l’inverse.
- Le déni : Les jeunes parents, par exemple, ont tendance à nier le changement climatique, car accepter la réalité serait trop douloureux pour l’avenir de leurs enfants.
- La licence morale : Après avoir posé des panneaux solaires, certaines personnes se sentent « autorisées » à prendre plus l’avion, comme une récompense.
- Le biais de confirmation : On ne retient que les infos qui confirment nos croyances (ex. : « La géothermie, c’est une bêtise »).
- Le biais du spectateur : Plus on est nombreux à observer un problème (comme le climat), moins on se sent responsable d’agir.
Dès lors, comment faire bouger les lignes ? Pour Jonas Schneiter, une seule méthode ne suffit pas. Il faut combiner :
- Éduquer et informer : il est important d’éviter toute surcharge cognitive. « On pense qu’il faut donner un maximum d’infos, mais au-delà d’un certain seuil, l’effet est inverse ». Trop d’informations paralysent.
- Responsabiliser : miser sur la culpabilité individuelle (« C’est de ta faute ! ») ne marche pas. En revanche, montrer qu’un groupe agit (ex. : une communauté énergétique de quartier) donne envie de rejoindre le mouvement.
- Motiver : il s’agit ici de jouer sur l’égo plutôt que l’altruisme. « Les motivations altruistes sont moins efficaces que les motivations égoïstes ». Les gens adhèrent davantage à un projet s’ils en tirent une fierté personnelle plutôt qu’un simple bénéfice collectif.
- Engager (par des actions concrètes et des récompenses) : Une étude montre qu’une phrase du type : « Si [déclencheur simple : date, budget, événement], alors je [action climatique] »… fonctionne mieux que des discours moralisateurs. Exemple : « Si je reçois une prime en octobre, alors j’installe des panneaux solaires. »
L’exemplarité : un piège à éviter
Les figures écologistes comme Greta Thunberg ou des élus vertueux peuvent décourager plutôt que motiver. « Si on se présente comme parfait, les gens vont émettre plus de CO₂ par réaction », explique Jonas Schneiter.
La solution ? La transparence. Exemple : Si une élue écologiste part en vacances à Oman, mieux vaut qu’elle dise : « Je prends l’avion cette fois, mais je compense et je limite mes autres trajets »… plutôt que de se justifier a posteriori.
Au final, Jonas Schneiter propose d’actionner quatre leviers pour communiquer efficacement sur la transition énergétique :
- Montrer que la majorité agit déjà (pour briser « l’illusion collective » : « Les autres ne font rien »).
- Miser sur l’effet de groupe (ex. : « 89% des Suisses accepteraient de donner 1% de leur revenu pour le climat »).
- Utiliser des déclencheurs concrets (« Si… alors… ») pour passer à l’action.
- Éviter le moralisme et privilégier l’émotion positive (« Sois fier de ton engagement »).
Propos recueillis le 28 août 2025 à l’occasion de l’Event Smart Energy