L’avenir du secteur énergétique suisse se dessine autour de deux défis majeurs : l’introduction de la tarification dynamique et la pénurie de talents spécialisés. Ces enjeux ont animé les discussions lors d’une table ronde organisée lors l’Event Smart Energy de Sion, à fin août dernier.
L’horizon 2030 semble réaliste pour l’introduction de tarifs énergétiques variables, a précisé Sylvia Marra, directrice générale d’OIKEN. « Cela dépend du cadre réglementaire. L’ouverture du marché pourrait faire avancer les choses plus vite. Mais il faut aussi que les citoyens fassent la demande pour de tels tarifs, ce qui n’est pas si sûr encore. »
Le défi technique est considérable. « Une fois que l’algorithme a défini des tarifs dynamiques, il faut que la facture du client soit compréhensible et que la comptabilité du distributeur s’y retrouve », explique Assia Garbinato, directrice digital et innovation chez Romande Energie. « On ne parle pas assez de l’héritage (notamment peu digital) avec lequel partent les gestionnaires de réseau de distribution. »
Christian Schaffner, directeur de l’Energy Science Center de l’ETHZ, observe que la demande émane souvent des utilisateurs de véhicules électriques. « En Norvège, avec la multiplication des véhicules électriques, ce sont les clients qui demandent ces tarifs dynamiques. »
Une guerre des talents difficile à gagner
Le secteur énergétique suisse fait également face à une hémorragie de compétences. « C’est la question qui fait mal », avoue Assia Garbinato. « Microsoft, Google et autres paient un ingénieur senior davantage qu’un directeur d’un gestionnaire de réseau de distribution. »
La concurrence est rude face aux géants technologiques. Emmanuele Colombo, de Swissgrid, dresse un constat inquiétant. « Sur 40 PhD en génie électrique, environ 30 partent aux États-Unis, chez Tesla ou Google. Ils y vont parce que le salaire d’entrée est très haut et c’est que l’environnement est très nourrissant. »
Des solutions locales pour attirer les talents
Face à ces défis, certaines entreprises misent sur leurs atouts régionaux. « En Valais, nous avons la qualité de vie et les paysages », souligne Sylvia Marra. « Nous sommes sur un campus avec des hautes écoles et nous pouvons engager régulièrement des jeunes ingénieurs. » La stratégie passe aussi par les partenariats : « Cela se fait via des collaborations avec SAP, l’EPFL, l’Idiap, le CSEM. Et cela attire », précise-t-elle.
Pour Assia Garbinato, la solution réside dans la valorisation de la mission : « Le seul moyen, c’est de travailler sur la mission, qui est fondamentale pour la société, et l’expliquer aux jeunes, qui peuvent ainsi s’y identifier et construire ainsi un monde meilleur. »
Propos recueillis lors de l’Event Smart Energy, le 29 août 2025 à Sion