Nicolas Charton

Crise énergétique : ce qui a réellement changé dix-huit mois plus tard

Alors que nous rédigeons ces lignes, le pic de la crise semble derrière nous. Mais quelles leçons avons-nous tirées de cet événement exceptionnel ?

Nous avons posé la question à Nicolas Charton, cofondateur et directeur du bureau suisse d’E-CUBE Strategy Consultants.

réservoir

Rappel des faits

Guerre en Ukraine, anomalies sur le parc nucléaire français : au début de l’été 2022, l’accumulation de mauvais scénarios à l’échelle européenne avait fait craindre le pire. La Suisse, très dépendante des importations hivernales, n’a pas été épargnée par ce vent de panique, sur fond de hausse vertigineuse des prix de l’énergie et de risques de pénurie d’électricité. Dix-mois plus tard, le pire semble avoir été évité, et la sécurité énergétique de la Suisse est assurée d’ici la fin de l’hiver. Reste à savoir si les mesures entreprises seront à la hauteur des défis auxquels nous demeurons confrontés.

Comment a-t-on jusqu’à présent évité le scénario du pire ?

Nicolas Charton : Nous avons eu la chance d’avoir des températures plutôt clémentes durant l’hiver 2022 – 2023. On a aussi constaté une forte baisse de la consommation d’énergie, surtout de la part des industries, mais aussi des ménages, ce qui a permis de maintenir l’équilibre des réseaux. Plusieurs mesures ont en outre été mises en place à l’échelle européenne, comme l’accentuation des importations de gaz naturel liquéfié et la reprise d’activité du parc nucléaire français à des niveaux record. Si on zoome sur la Suisse, la Confédération a décidé de mettre en route la centrale à gaz de réserve de Birr et des réserves hydrauliques. Ces mesures à court terme ont permis de revenir à une situation plus normale.

Le pic de la crise est-il derrière nous ?

Aujourd’hui, après une longue baisse, les prix sont environ 50% plus élevés qu’avant la crise, tant pour le gaz que l’électricité – des niveaux certes conséquents, mais plus maîtrisables. Si le pic est sans doute passé, la Suisse reste toutefois très dépendante des importations. Ce qui nous expose aux déséquilibres internationaux et nécessite que nous mettions en place une infrastructure énergétique résiliente pour encaisser ce type de situation extrêmement tendue.

Précisément, quels sont les leviers d’action de la Suisse pour répondre aux défis énergétiques ?

Cela passe nécessairement par le développement d’une production d’énergie indigène et décarbonée. D’où la nouvelle loi pour l’électricité (Mantelerlass), dans laquelle le Parlement a fixé des ambitions très fortes pour le développement des renouvelables, en lien avec des mesures d’efficacité. Au niveau européen, chaque pays suit sa voie, selon ses choix politiques : l’Allemagne a, par exemple, la volonté de créer un réseau hydrogène européen ; la France mise largement sur le nucléaire. Cette crise a en effet rappelé que l’énergie est un sujet du temps long et qu’il faut anticiper ; au pied du mur, ce sont les infrastructures mises en place au cours des décennies précédentes qui permettent de trouver une solution.

Cette crise a-t-elle aussi accéléré les changements en faveur de la transition énergétique ?

Cela passe nécessairement par le développement d’une production d’énergie indigène et décarbonée. D’où la nouvelle loi pour l’électricité (Mantelerlass), dans laquelle le Parlement a fixé des ambitions très fortes pour le développement des renouvelables, en lien avec des mesures d’efficacité. Au niveau européen, chaque pays suit sa voie, selon ses choix politiques : l’Allemagne a, par exemple, la volonté de créer un réseau hydrogène européen ; la France mise largement sur le nucléaire. Cette crise a en effet rappelé que l’énergie est un sujet du temps long et qu’il faut anticiper ; au pied du mur, ce sont les infrastructures mises en place au cours des décennies précédentes qui permettent de trouver une solution.

De quelle marge de sécurité énergétique notre pays dispose-t-il aujourd’hui ?

Une bonne marge, pour autant que la Suisse parvienne à se coordonner avec l’Union européenne. La question d’une coopération de qualité avec nos voisins est d’ailleurs de nouveau au centre du débat politique. La crise a en effet confirmé l’interconnexion des systèmes et la nécessité d’un accord sur l’électricité, et plus généralement sur l’énergie. Nous importons actuellement 75% de notre énergie, et même si la transition énergétique doit permettre de diminuer cette dépendance aux importations, la Suisse n’aura pas la capacité d’être autarcique.

Propos recueillis par Elodie Maître-Arnaud

L’expert

Nicolas Charton

Ingénieur spécialisé en économie industrielle, Nicolas Charton est cofondateur et directeur du bureau suisse d’E-CUBE Strategy Consultants. Il accompagne les directions générales dans leurs stratégies en lien avec les thématiques énergie, mobilité et décarbonation.

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