La transition énergétique en Suisse est un enjeu majeur qui nécessite des efforts considérables dans tous les secteurs. Fin août dernier, lors du 14e Event Smart Energy à Sion, le conseiller national Roger Nordmann a présenté un état des lieux et des perspectives pour l’avenir énergétique du pays, soulignant l’importance d’une approche combinant innovations technologiques, avec un recours accru au méthane de synthèse, et changements de comportements.
Depuis 2010, la Suisse a réalisé des avancées significatives dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment dans le secteur des ménages, de l’artisanat et des services. « La mobilité est beaucoup plus compliquée. On n’a pas fait de progrès, car on n’a pas pris de mesures », souligne Roger Nordmann. « L’aviation est notamment une catastrophe. On y a augmenté les gaz à effet de serre ces dernières années. Et il n’y a pas de solution technique simple ».
L’industrie, quant à elle, a fait des efforts notables, avec une baisse de 20% des émissions, grâce notamment à la taxe CO2 et aux initiatives de l’Agence de l’énergie pour l’économie (AEnEC).
Le défi de l’électrification
La transition vers une Suisse neutre en carbone nécessite une augmentation significative de la production d’électricité. « Avec l’apport de pompes à chaleur, il faudra 6 TWh d’électricité en plus pour assainir les bâtiments, pour autant que l’on puisse les isoler correctement. Dans la mobilité, il faudra 17 TWh de consommation d’électricité complémentaires pour répondre à la demande de voitures électriques ».
De plus, le pays doit remplacer 20 TWh de production nucléaire en fin de vie. Ce défi est d’autant plus complexe que la Suisse connaît actuellement un déficit en hiver et une surproduction en été. En complément, il s’agit également de décarboner l’industrie en remplaçant 17 TWh d’énergie issue de carburants fossiles.
« Prendre tous ces éléments séparément est donc un chemin difficile », reconnaît Roger Nordmann, qui est d’avis d’exploiter les synergies et l’efficacité. Dans ce contexte, le méthane de synthèse, qui est chimiquement l’équivalent du gaz fossile dit naturel, pourrait être une alternative intéressante. « L’été, on pourrait produire du méthane de synthèse pour l’industrie, en vue de l’hiver. Le solde du surplus électrique estival peut être ainsi consommé directement dans l’industrie et la fabrication de méthane de synthèse ».
Vers un mix énergétique diversifié
De manière plus globale, et en complément du méthane de synthèse, Roger Nordmann propose un mix énergétique ambitieux, qui inclut :
- Le maintien de l’hydroélectricité existante ;
- L’utilisation de la biomasse existante ;
- L’installation 4 GW d’éolien (soit l’équivalent de 1000 appareils), afin de produire 6 TWh, dont 4 en hiver ;
- Réalisation des 15 projets « table ronde », dont 2 TWh de stockage supplémentaire au niveau de l’hydroélectricité ;
- Multiplication par 12 de la capacité photovoltaïque, pour atteindre 72 GW de puissance et 76TWh de production annuelle.
Le conseiller national insiste également sur l’importance de développer la production et le stockage d’hydrogène, ainsi que de renforcer le réseau électrique.
Synergie entre technologie et comportement
Roger Nordmann est favorable à une approche équilibrée entre technique et comportement. « Pour réussir cette transition, on ne pourra pas tout résoudre avec la technique, ou tout avec le renoncement. Mais il sera d’autant plus facile de demander aux gens de faire des efforts si on a tout essayé au niveau technique ». Le conseiller nationale estime à environ deux tiers la résolution via le progrès technique. « Le reste c’est le comportement ». « Il faut une synergie entre le renoncement et la technique, mais pas de contradiction. Frugalité ne doit pas être opposée au progrès technique ».
Propos recueillis le 28 août 2024 lors de l’Event Smart Energy
Pour davantage d’informations et de détails, n’hésitez pas à vous procurer le livre « Urgence énergie et climat : investir pour une transition rapide et juste », de Roger Nordmann.