Le secteur énergétique suisse traverse une mutation profonde depuis une quinzaine d’années. D’un système historique basé sur les énergies fossiles et l’hydroélectricité, nous évoluons vers un monde où la transition énergétique et les énergies renouvelables sont devenue centrales. Ce bouleversement a des répercussions sur les réseaux et leur flexibilité. Dans ce contexte, il sera bientôt contreproductif de produire de l’électricité sans se poser de question, au risque de ne pas être rémunéré. Cette analyse a été faite par Nicolas Charton, directeur d’E-Cube, lors de l’Event Smart Energy de fin août dernier.
Lors de l’Event Smart Energy d’août dernier, Nicolas Musy, fondateur de China Integrated, a dévoilé l’ampleur des ambitions chinoises en matière d’énergies renouvelables et leur impact sur l’économie mondiale. Avec 1,4 milliard d’habitants, la Chine devient le laboratoire grandeur nature de la transition énergétique.
Présent en Chine depuis la fin des années 80, Nicolas Musy connaît bien les transformations du géant asiatique. Aujourd’hui, la Chine représente le plus grand consommateur d’énergie au monde, dépassant les États-Unis, l’Union européenne et le Japon combinés. Pourtant, la consommation par habitant reste inférieure à celle des pays occidentaux, laissant présager une croissance continue jusqu’en 2035.
Les chiffres avancés par Nicolas Musy donnent le vertige. La Chine prévoit de construire un réacteur nucléaire par mois jusqu’en 2035 et d’exporter 30 réacteurs. Un projet hydraulique tibétain, lancé en juillet, produira à lui seul l’équivalent de la consommation britannique avec ses 60 GWh.
Pour le solaire et l’éolien, les ambitions chinoises défient l’entendement. « En 2025, ses capacités suffiront à combler la consommation de l’UK et l’Allemagne combinée ». L’objectif ? Quadrupler la puissance installée d’ici 2060, soit 5’000 GW à installer. « En Suisse, on parle de 2 GW par année », rappelle Nicolas Musy pour donner un ordre de grandeur.
Trois motivations derrière cette révolution verte
Cette course aux renouvelables ne relève pas uniquement de préoccupations climatiques. Nicolas Musy identifie trois motivations principales :
Cette transition permet de développer l’économie chinoise, qui exporte aussi un peu. « Cela donne du travail à beaucoup de gens », explique-t-il. Deuxièmement, cette stratégie permet d’exporter beaucoup et avoir une position mondiale. Enfin, la Chine vise l’indépendance énergétique qu’elle n’a pas aujourd’hui, étant tributaire à 40% du pétrole saoudien.
De la surcapacité à l’innovation
Le secteur des véhicules électriques illustre parfaitement cette stratégie. Depuis l’annonce du Premier ministre en 2009, 250 milliards de dollars ont été investis dans la promotion de l’électrique. Résultat : Xiaomi a enregistré 75’000 précommandes en un mois pour son premier véhicule.
Cette dynamique génère toutefois des surcapacités importantes. « La Chine a la capacité de produire 2x plus de panneaux solaires que ce que le monde demande », note Nicolas Musy. Pour les batteries, le ratio atteint même 3:1.
L’émergence d’une puissance technologique
Depuis 2019, la Chine est devenue le premier pays en nombre de brevets internationaux . Dans les technologies propres, la progression est spectaculaire : de 18 brevets en 2000 à 5’000 en 2022. Si l’Europe maintient sa dominance dans l’éolien, les Chinois prennent l’avantage sur les batteries, le solaire et les smart grids.
Impact sur la Suisse : opportunités et défis
Pour la Suisse, cette révolution chinoise représente un défi majeur, mais aussi des opportunités. D’un côté, les produits chinois bon marché favorisent « une désindustrialisation dans les autres pays ». De l’autre, ils facilitent notre propre transition énergétique en fournissant des composants abordables.
La stratégie suisse pourrait consister à tirer parti de la chaîne d’approvisionnement chinoise tout en développant des technologies de pointe exportables vers l’empire du Milieu. Cette complémentarité entre l’innovation suisse et la capacité de production chinoise pourrait bien dessiner les contours d’une coopération énergétique durable entre les deux pays.
Propos recueillis le 29 août 2025 lors de l’Event Smart Energy