Jumeaux numériques : une révolution pour les planificateurs de projets ?
Rappel des faits
En Suisse, 40% de la consommation finale d’énergie et un quart des émissions de gaz à effet de serre proviennent des bâtiments. Atteindre en 2050 l’objectif zéro émission nette fixé par la Confédération suppose un effort massif de décarbonation, tant de la part des acteurs de la construction que de la part des acteurs de l’urbanisme. Et le temps presse ! Parmi les outils à disposition pour imaginer l’habitat et les villes de demain, les jumeaux numériques pourraient bien permettre de passer à la vitesse supérieure, notamment en ce qui concerne la planification énergétique.
C’est quoi un jumeau numérique ?
Dans le contexte de notre activité, il s’agit d’une modélisation en trois dimensions d’une ville, d’un quartier ou d’un ensemble de bâtiments, à partir du contexte existant. Pour le réaliser, nous nous basons sur l’imagerie aérienne – par drone ou hélicoptère – et sur la photogrammétrie (une technique consistant à superposer une multitude de photos prises sous divers angles, ndlr.). Pour faire simple, nous proposons une sorte de Google Earth amélioré grâce à une infinité de configurations possibles, et nous mettons cet outil au service du développement des smart cities.
Précisément, quel est le rôle d’une telle modélisation pour concevoir la ville de demain ?
La fonction des jumeaux numérique est de permettre l’élaboration de scénarios ou de prioriser les projets de planification urbaine, de construction ou de rénovation. Ces modèles en 3D peuvent être considérés comme des laboratoires très réalistes pour visualiser précisément les différentes solutions envisagées. Même s’il s’agit d’espaces virtuels, ils sont fidèles à la réalité, telle que répliquée à un instant donné. Il est également possible de dynamiser ces modèles en les enrichissant d’informations en temps réel. On peut ainsi ajouter de la géolocalisation ou des capteurs et, dès lors que les systèmes sont interopérables, intégrer diverses données. Toutes ces informations doivent permettre aux planificateurs d’opter pour la meilleure option, en fonction des critères propres à chaque projet.
Comment ces jumeaux numériques peuvent-ils contribuer aussi à la planification énergétique ?
Les applications potentielles en matière énergétique sont nombreuses et la demande est de plus en plus pressante. En cartographiant précisément les installations existantes et les projets d’installations futures, il est possible ensuite de faire des simulation très poussées à l’échelle d’un quartier ou d’une ville. Les jumeaux numériques peuvent notamment être utilisés pour matérialiser des projets de réseaux de chauffage à distance en présentant différentes variantes selon le contexte urbain, et permettre ainsi une meilleure acceptation par la population et une coordination optimale entre les intervenants. Grâce à la modélisation en 3D, on peut également jouer sur divers paramètres comme l’orientation d’un bâtiment ou les types d’infrastructures prévus. En couplant ceci aux données météo, les planificateurs peuvent par exemple déterminer le potentiel solaire des toitures. L’utilisation de l’intelligence artificielle peut aussi permettre de simuler les performances des solutions énergétiques envisagées.
De tels modèles peuvent-ils trouver application dans le domaine de l’énergie en dehors des projets en lien avec la construction ou l’urbanisme ?
Oui, nous développons notamment des jumeaux numériques afin de modéliser les projets de photovoltaïque alpin. Ils doivent non seulement permettent de simuler leurs performances énergétiques, mais aussi d’évaluer leur impact sur le paysage, et ce, en 3D et depuis différents angles de vue. La technologie peut également être utilisée dans le cadre de la planification de projets de parcs éoliens.
À qui s’adressent ces jumeaux numériques ?
Pour le moment, nos clients sont essentiellement des communes et des développeurs immobiliers. La vocation d’Uzufly est de soutenir ces professionnels en développant des modélisations qui leur permettent d’évaluer des projets et de faciliter leur communication et leur acceptation. Grâce à la visualisation en 3D, nous leur évitons également de multiplier les déplacements systématiques sur le terrain, soit un gain de temps mais aussi moins d’impact lié au transport.
Propos recueillis par Elodie Maître-Arnaud
L’expert
Ingénieur civil EPFL, également diplômé en management, technologies et entrepreneuriat, Romain Kirchhoff a travaillé plusieurs années au sein d’entreprises spécialistes des drones. En 2020, il fonde Uzufly. Cette start-up entend démocratiser l’utilisation de la modélisation en 3D auprès des professionnels du développement et de la gestion territoriale, à travers la création de jumeaux numériques.