Autarcie solaire des bâtiments : où en est-on ?

Hausse des prix, tensions sur le marché de l’électricité, nombreux sont les consommateurs qui souhaiteraient tirer profit d’une installation photovoltaïque pour ne plus dépendre du réseau. Mais l’autarcie solaire est-elle possible en Suisse ? Nous avons posé la question à Pierre-Olivier Moix, CTO de Studer Innotec.

Rappel des faits

Le photovoltaïque représente aujourd’hui un peu plus de 8% de la consommation d’électricité en Suisse. Nombre de ces installations recouvrent les toits de bâtiments dont les propriétaires souhaitent consommer eux-mêmes une part grandissante de courant. Si plusieurs solutions existent pour augmenter l’autoconsommation, est-il possible aujourd’hui de rendre un bâtiment autarcique ? La réponse passe notamment par une clarification de la terminologie et par une réflexion sur les technologies de stockage disponibles sur le marché.

 

Quelle est la différence entre autarcie, autoconsommation et autonomie ?

Il y a un mélange des genres dans le langage courant. Stricto sensu, l’autarcie suppose qu’un site soit totalement indépendant du réseau électrique et auto-suffisant. Quand on parle de photovoltaïque, on fait surtout référence à des indicateurs. En premier lieu au taux d’autoconsommation, c’est-à-dire à la part d’électricité produite et consommée directement sur place. En parallèle, se pose également la question du taux d’autonomie (aussi appelé taux d’autarcie) : d’où vient l’électricité que je consomme ? Quelle part provient de mon toit et quelle part provient du réseau ? Ce taux d’autarcie est un ratio qui indique l’indépendance par rapport au réseau pour subvenir à ses besoins ; pour autant, l’installation y est toujours connectée. C’est ce taux que les particuliers doivent essayer d’augmenter pour atteindre les objectifs de la transition énergétique.

 

Précisément, comment augmenter le taux d’autonomie ?

Au début du photovoltaïque, les installations étaient plutôt petites. L’idée était de consommer la quasi-totalité de ce que l’on produisait : on favorisait donc le taux d’autoconsommation. Aujourd’hui, nous devons multiplier les sources de production locales et renouvelables. On a donc plutôt intérêt à exploiter tout le potentiel solaire d’une toiture, même si l’on sait que l’on produira trop à certains moments. La production photovoltaïque est en effet très dépendante des conditions météorologiques, la période critique étant l’hiver. Mieux vaut donc avoir des excédents en été et couvrir au maximum les besoins le reste de l’année : il faut ainsi favoriser le taux d’autonomie. Mais dès lors que le surplus est renvoyé sur le réseau, on ne peut pas considérer qu’une installation est indépendante. Ce serait même dommage de perdre ces excédents alors que le bâtiment est capable de produire plus qu’il ne consomme – dans ce cas, il est dit « à énergie positive ». Pour augmenter le taux d’autonomie, il faut aussi agir sur nos habitudes afin de décaler les pics de consommation à des moments où les besoins peuvent directement être couverts par la production solaire, c’est-à-dire au cours de la journée. Les réglages appropriés des systèmes de chauffage pour fonctionner davantage durant la journée permettent également cela.

 

Quid des technologies de stockage in situ ?

On dispose aujourd’hui de technologies de batteries et d’onduleurs très performantes, permettant à la fois d’optimiser la part d’autoconsommation et d’améliorer le taux d’autonomie. Des batteries (à peine de la taille d’une machine à laver, ndlr.) permettent en effet de stocker l’excédant d’électricité solaire produite au cours de la journée afin de couvrir les besoins pendant la nuit. Ces solutions offrent donc clairement la possibilité de diminuer la dépendance d’une installation au réseau électrique. Studer Innotec propose d’ailleurs ce genre de système.

 

Ces batteries peuvent-elles permettre aux bâtiments d’être totalement indépendants du réseau électrique, donc véritablement autarciques ?

En monitorant les installations solaires équipées de nos unités de stockage, on voit bien que ce sera difficile dans un futur proche et de façon généralisée. Pour vous donner un exemple, l’une des maisons que nous suivons produit deux fois plus que ce qu’elle consomme sur une année ; pour autant, son taux d’autonomie annuel est de 60%. En allant dans les détails, le taux d’autonomie des mois de mai à septembre est de 100% grâce aux batteries. Mais celles-ci ne répondent pas au besoin de combler le déficit hivernal lié au manque d’ensoleillement alors que la consommation est plus importante, notamment en raison de le la pompe à chaleur. Sans compter les périodes avec de la neige sur le toit ! Il faut bien comprendre que les batteries sont utilisées pour un stockage à court terme (typiquement jour/nuit). Techniquement, on peut parfaitement envisager d’installer une batterie de forte capacité pour un stockage saisonnier ; cela n’aurait toutefois aucun sens économiquement ! Elle ne serait utilisée qu’une fois par année, chargée en été et déchargée en hiver. Qui est prêt à payer 500 francs par kWh stocké ?

 

Comment cela se passe-t-il dans les sites off-grid que vous équipez, comme les cabanes de montagne ?

Ce sont des cas dans lesquels il faut pratiquer la sobriété afin de limiter la consommation au strict minimum. Cela implique aussi d’avoir une solution de chauffage qui n’utilise pas d’électricité – le bois par exemple. Certaines cabanes off-grid que nous équipons arrivent ainsi à fonctionner de façon moderne et confortable ; mais elles sont fermées au cœur de l’hiver…

Propos recueillis par Elodie Maître-Arnaud

 

L’expert

Pierre-Olivier Moix

Ingénieur électricien spécialisé en électronique de puissance et en systèmes d’énergie renouvelable, Pierre-Olivier Moix est Chief Technology Office de Studer Innotec. Active depuis plus de trente ans, cette entreprise valaisanne est spécialisée dans les solutions de conversion d’énergie ; elle développe notamment une gamme d’onduleurs utilisés dans des sites off-grid et des sites connectés au réseau.

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