Les communes, artisanes de la transition
Au plus près de la population, les communes tiennent la ligne de front de la transition énergétique. Comment contribuent-elles à ce changement majeur de notre société ? Nous avons posé la question à Mohamed Meghari, chef de la division efficacité énergétique de la Direction générale de l’environnement du Canton de Vaud.

Rappel des faits
La Confédération dessine les grandes lignes de la politique énergétique et les cantons en définissent le cadre. Mais c’est au niveau local que ces enjeux deviennent réalité. Entre obligations légales, contraintes budgétaires et particularités territoriales, les quelques 2100 communes suisses doivent inventer leur propre manière de faire avancer la transition.
Quel est le rôle des communes dans la transition énergétique ?
Il est multiple. En tant qu’autorités, elles veillent à la bonne application des dispositions cantonales en la matière, notamment en s’assurant de la conformité des projets de construction ou de rénovation sur leur territoire. À travers leurs instruments d’aménagement du territoire, les communes créent aussi des conditions-cadres favorables pour atteindre les objectifs fixés par la Confédération –développement des énergies renouvelables et développement de solutions durables en matière de chauffage ou de mobilité, notamment.
Elles sont par ailleurs elles-mêmes propriétaires d’un patrimoine immobilier et de diverses infrastructures ; à ce titre, elles sont donc directement soumises aux obligations légales relatives à la production d’énergies renouvelables et à la performance énergétique des bâtiments. Et même en l’absence d’obligation, elles ont un devoir moral d’exemplarité dans la gestion de leur parc immobilier et du domaine public.
J’ajouterais enfin que la révision de la loi vaudoise sur l’énergie va confier de nouvelles compétences aux communes, notamment celle d’accorder des dérogations aux propriétaires lorsque certaines obligations, comme un assainissement trop lourd, sont disproportionnées. Cette responsabilité accrue exigera toutefois un accompagnement pour garantir une égalité de traitement pour tous les habitants du canton.
Dans le canton de Vaud, comme ailleurs en Suisse, les communes sont très diverses. Comment leurs sensibilités politiques et les ressources dont elles disposent influencent-elles leur contribution à la transition énergétique ?
Globalement, les communes vaudoises sont engagées et participent activement à la transition énergétique ; celles qui ont une volonté politique affirmée vont même souvent au-delà des obligations légales. Si le facteur politique influence peu l’application du droit, il peut en effet orienter certaines décisions, comme les programmes d’encouragement ou les choix d’aménagement du territoire. Mais en réalité, ce sont surtout les moyens humains et financiers qui déterminent la capacité d’action des communes. Les plus petites, dont le personnel administratif et le budget sont souvent limités, doivent composer avec leurs priorités et concentrer leurs efforts sur quelques domaines clés, comme la production d’énergie renouvelable et l’assainissement des bâtiments publics.
Pour soutenir les communes, le canton de Vaud propose un accompagnement technique et des aides financières. Il s’agit notamment d’encourager le développement des infrastructures de production d’énergie – les réseaux de chaleur à distance, par exemple – ou encore de contribuer à la mise en œuvre d’une démarche globale, comme un Plan Energie et Climat Communal. Et comme tout propriétaire immobilier, n’importe quelle commune peut bénéficier de subventions pour la rénovation de ses bâtiments.

Vous citez le Plan Energie et Climat Communal (PECC). Ce type de démarche – on pense aussi au label Cité de l’énergie – fait-il vraiment la différence ?
Ces démarches accompagnent les communes dans la planification et l’amélioration de leurs projets en matière d’énergie, de climat et de développement durable. Elles ont le grand mérite de structurer et de fédérer l’action communale. Elles permettent en effet de dépasser l’approche classique en silos en rassemblant les services communaux – urbanisme, voirie, bâtiments, etc. – autour d’un même projet, ce qui favorise une approche transversale de la transition énergétique et renforce la cohérence interne des politiques publiques locales. Le label Cité de l’énergie s’adresse plutôt aux communes de grande taille, car son obtention repose sur un processus administratif assez lourd. Le Plan Energie et Climat Communal (PECC) est donc mieux adapté aux petites communes, avec un canevas plus simple et un catalogue de mesures réduit. Mais ce qui importe surtout, c’est de passer à l’action, pas de multiplier les études préalables.
Pouvez-vous citer quelques communes particulièrement exemplaires ?
Ce sont évidemment les grandes communes, mieux dotées en ressources, qui peuvent mener les politiques énergétiques les plus ambitieuses. Mais de très petites communes – parfois de 200 ou 300 habitants seulement – s’engagent aussi très activement, par exemple en organisant des séances d’information pour sensibiliser leur population aux enjeux de la transition. Chacune agit selon ses moyens, et c’est ce qui compte.
Propos recueillis par Elodie Maître-Arnaud
L’expert

Mohamed Meghari
Mohamed Meghari est chef de la division efficacité énergétique de la Direction générale de l’environnement du Canton de Vaud. Son service travaille en étroite collaboration avec les communes vaudoises, celles-ci participant directement à la mise en œuvre de la législation cantonale dans le domaine de l’énergie.