L’avenir de l’énergie dans les villes intelligentes

Grâce aux technologies numériques, le concept de Smart City invite les villes à repenser leur mode de fonctionnement afin de concilier urbanisation croissante, qualité de vie et respect de l’environnement. À quoi ressembleront-elles sur le plan énergétique ? Nous avons posé la question à l’expert californien Jonathan Reichental.

Rappel des faits

Selon les Nations Unies, près de 70% de la population mondiale vivra dans les villes à l’horizon 2050. Une urbanisation massive qui, couplée à l’urgence climatique, impose de repenser le fonctionnement de nos espaces urbains. Dans le prolongement du concept de ville durable, celui de Smart City intègre un nouvel élément en réponse à ces défis : la transition numérique – et les solutions technologiques qui en découlent. Quelles sont-elles ? Comment les villes peuvent-elles s’en servir pour optimiser leur gestion de l’énergie ? Voici quelques éléments de réponse.

 

En quelques mots, qu’est-ce qui caractérise une ville intelligente ?

La ville intelligente intègre les technologies numériques pour améliorer le bien-être de ses habitants, accroître l’efficacité des services urbains et adopter un modèle de fonctionnement durable. Je suppose que la plupart des villes du monde cherchent à progresser dans cette direction. Évidemment, selon leurs priorités et leurs ressources financières, toutes ne deviennent pas pour autant des Smart Cities. Et parmi les villes intelligentes, celles qui se distinguent sont souvent celles qui avancent le plus rapidement dans l’adoption de sources d’énergies non carbonées.

 

Plus précisément, sur quelles technologies numériques les villes peuvent-elles s’appuyer pour évoluer vers un modèle plus intelligent dans le domaine de l’énergie ?

En pratique, les villes ne « pensent » généralement pas en termes de technologies. Elles expriment d’abord un besoin. En matière d’énergie, leur objectif est souvent l’optimisation et la durabilité. Dans ce contexte, les données jouent un rôle central ; elles sont même devenues la matière première de l’ère technologique. Dans un monde hyperconnecté, il y a donc une pression croissante sur les villes pour intégrer leur utilisation. Afin d’y parvenir, elles doivent commencer par mettre en place des outils de collecte des données. Par exemple, les solutions basées sur l’internet des objets (IoT) peuvent, grâce à toutes sortes de capteurs, donner une meilleure visibilité sur leur consommation. Couplées à l’intelligence artificielle, elles permettent une gestion plus fine des infrastructures urbaines, avec des ajustements en temps réel. L’IA peut aussi permettre de prédire la demande d’énergie, d’automatiser certaines opérations ou encore d’optimiser les flux. Je peux encore citer la blockchain, qui pourrait être utilisée à l’avenir pour la traçabilité des crédits carbone ou la gestion des échanges d’énergie.

 

À quoi ressemble la gestion de l’énergie dans une ville intelligente ?

Les Smart Cities revoient leur mix énergétique afin d’utiliser moins d’énergies fossiles. Si certaines communautés achètent leur électricité, elles sont toutefois de plus en plus nombreuses à la produire localement et de façon renouvelable. En Californie par exemple, nous investissons dans les installations solaires, en les intégrant d’emblée sur certaines nouvelles infrastructures, comme les immeubles de bureaux. Les villes intelligentes évoluent par ailleurs vers un modèle énergétique plus souple et moins centralisé. Les microgrids émergent ainsi dans certaines communautés. Ces micro-réseaux déjà sont utilisés pour une meilleure gestion de l’énergie au niveau local, mais aussi comme systèmes de secours en cas de catastrophe, car ils fonctionnent indépendamment du réseau électrique. En parallèle, la généralisation des compteurs intelligents doit permettre aux villes de gérer leur consommation d’énergie de façon plus précise et plus efficace.

 

Quels sont les principaux freins à la transformation des villes ?

Politiques, économiques, technologiques : il y a un peu de tout ! En 2025, c’est incroyable de débattre encore de l’impact des énergies fossiles sur le climat. La nouvelle administration américaine cherche à développer l’extraction du charbon, et les lobbies du pétrole et du gaz sont puissants. Sur le plan économique, la production renouvelable et les outils de gestion intelligente de l’énergie coûtent encore trop cher pour de nombreuses communautés, ce qui retarde leur adoption. Et puis nous avons besoin d’améliorer certaines technologies pour aller de l’avant de façon efficace, notamment en matière de stockage d’électricité.

 

À quoi pourrait ressembler une ville intelligente en 2050 ? Des exemples comme Palo Alto illustrent-ils déjà cette transition ?

Je ne citerais pas forcément Palo Alto, car c’est une très petite communauté, avec seulement 70 000 habitants – même si, chaque jour, la population grimpe jusqu’à 200 000 personnes avec les travailleurs et l’université. Et puis Palo Alto achète 100% de son électricité. Enfin, c’est une communauté aisée… qui a donc les moyens de ses ambitions sur le plan technologique. Or 2050, c’est presque demain ! Et à quelques exceptions près, comme Abu Dhabi ou Shangaï, les villes ne peuvent pas changer radicalement en 25 ans. Raisonnablement, je peux cependant imaginer que les villes les plus intelligentes du monde en 2050 seront largement alimentées par l’énergie solaire et d’autres énergies non carbonées, elles seront équipées de batteries de stockage et elles disposeront de micro-réseaux. Elles ne consommeront probablement pas moins d’énergie – peut-être même davantage – mais cette énergie sera sans doute plus propre.

Propos recueillis par Elodie Maître-Arnaud

 

L’expert

Jonathan Reichental

Expert des Smart Cities, auteur et conférencier, Jonathan Reichental accompagne les villes et les entreprises dans leur transformation numérique, avec un focus sur l’innovation urbaine et la durabilité. Docteur en systèmes d’information, il a fondé Human Future, une entreprise californienne de conseil, d’investissement et de formation dans le domaine des technologies de l’information. Anciennement Chief Information Officer de la ville de Palo Alto, il est professeur adjoint à l’Université de San Francisco et à l’Université Pepperdine.

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