Philippe Jacquod, professeur à la HES-SO Valais-Wallis, dresse un bilan rassurant de la situation énergétique suisse à court terme, tout en pointant les enjeux majeurs des prochaines décennies. Lors de l’Event Smart Energy de fin août dernier, il est revenu sur les risques de pénurie, annoncée en 2022. En effet, à l’époque, l’appel du Conseil fédéral à économiser l’électricité avait semé l’inquiétude. Aujourd’hui, le professeur Philippe Jacquod se veut plus optimiste. « La situation évolue assez vite dans la bonne direction ». Mais cette amélioration ne doit pas masquer les défis structurels qui se profilent.
La qualité du courant en Suisse reste excellente, avec des coupures (annoncées ou pas) moyennes de seulement 20 minutes par consommateur et par an. Cette performance s’explique en partie par les interconnexions européennes qui permettent de compenser la saisonnalité suisse – nous produisons davantage en été et consommons plus en hiver. L’amélioration de la situation française, où la disponibilité du parc nucléaire est remontée de 50% en 2022 à 66% actuellement, contribue à cette stabilisation.
Le photovoltaïque, candidat sérieux pour l’avenir
Face au vieillissement du parc nucléaire suisse et français – qui dépassera les 60 ans dans la prochaine décennie – et à l’augmentation prévisible de la consommation liée à l’électrification et aux data centers, le choix des nouvelles productions devient crucial.
Le solaire photovoltaïque tire son épingle du jeu. « Avec 1,5 à 2 GW installés chaque année en Suisse, il sera possible, d’ici 3 à 4 ans, de parvenir à la production de Beznau 1 et 2 », souligne le professeur. Contrairement aux idées reçues, le photovoltaïque produit également en hiver, avec 653 GWh en mars 2025 et une progression de 80 GWh entre janvier 2024 et 2025.
Les barrages soutenus par le solaire hivernal
Cette production hivernale du photovoltaïque pourrait s’avérer stratégique pour les barrages alpins, qui connaissent leur période critique en hiver lorsqu’ils se vident. « Le PV permettrait de réduire cette période critique pour les barrages », note Philippe Jacquod.
L’installation privilégiée sur les toitures présente l’avantage de la proximité avec la consommation, contrairement aux installations en altitude, plus éloignées des centres de consommation.
Un accord avec l’UE impératif
Malgré cette perspective encourageante, Philippe Jacquod insiste sur une condition sine qua non. « Il est impératif d’avoir un accord avec l’UE ». Sans cet accord, la stabilité à court terme de 5 à 10 ans pourrait être compromise.
Le professeur conclut sur une note de responsabilité générationnelle. « Plutôt que de poursuivre des gains financiers promis par la libéralisation, il faut privilégier un système électrique fiable, renouvelable et abordable à léguer aux futures générations ».
Propos recueillis le 29 août 2025 lors de l’Event Smart Energy