Des communautés énergétiques pour favoriser la consommation locale d’énergie renouvelable

Vendre son électricité à ses voisins. Voilà le principe des communautés énergétiques appelées à se multiplier ces prochaines années. À quoi faut-il s’attendre concrètement ? Nous avons posé la question à Lucien Debons, fondateur du bureau d’ingénieurs dSYDE.

Rappel des faits

C’est l’une des évolutions marquantes de la Loi fédérale pour un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables, acceptée par le peuple en juin 2024. À travers la création de nouveaux modèles de communautés énergétiques, n’importe quel producteur d’énergie renouvelable pourra bientôt partager sa production avec des consommateurs situés dans un périmètre jusqu’à l’échelle d’une commune. Et ce, y compris en utilisant les réseaux de distribution. Un signal fort pour la production décentralisée d’électricité où ces communautés sont appelées à jouer un rôle grandissant.

 

Pouvez-vous expliquer les principales différences entre un RCP (regroupement dans le cadre de la consommation propre), un RCP virtuel et une CEL (communauté électrique locale) ?

Ces trois modèles de communautés énergétiques visent à promouvoir le partage d’électricité renouvelable, mais diffèrent par leur cadre d’application. En vigueur depuis 2018, le RCP permet au propriétaire d’une installation photovoltaïque de vendre son électricité localement, généralement au sein d’un immeuble locatif ou d’une PPE. Celle-ci ne transite donc pas par le réseau de distribution, et le regroupement est considéré comme un consommateur unique auprès du distributeur. Très proche du RCP classique, le RCP virtuel est possible depuis début 2025 et permet de rassembler des bâtiments voisins reliés à une même armoire de distribution de quartier. La puissance de l’installation doit être d’au moins 10% de la somme des puissances de raccordement des membres du regroupement, et l’énergie consommée en son sein est toujours considérée comme de l’autoconsommation. Enfin, dès 2026, les communautés électriques locales permettront de partager l’électricité jusqu’à l’échelle d’une commune. Les membres de ces CEL resteront des clients distincts d’un même distributeur et paieront entre 70% et 85% du tarif normal pour l’utilisation du réseau pour la livraison de l’énergie solaire produite dans la communauté. Mais le prix de de vente de cette électricité au sein de la communauté sera libre. Cette mini-libéralisation du marché de l’énergie est une petite révolution !

 

Va-t-on devoir adapter les réseaux à ce nouveau modèle de CEL ?

Du point de vue technique, la mise en place de communautés énergétiques locales n’est pas très complexe. Elle repose essentiellement sur le déploiement de compteurs intelligents (smart meters). En favorisant la consommation propre d’électricité jusqu’à l’échelle de la commune, ces nouveaux modèles de partage, dimensionnés et pilotés avec soin, devraient même permettre de ne pas surcharger les réseaux avec le surplus de courant d’origine renouvelable, et éviter ainsi certains travaux de renforcement.

 

Et quelles sont les implications de cette « mini-libéralisation » du marché de l’énergie pour les distributeurs d’électricité ?

Certains semblent très intéressés et ont pris de l’avance pour s’impliquer dans ces futures communautés énergétiques, notamment en étudiant la possibilité de mettre en place des plateformes de gestion. Les ordonnances d’application relatives aux CEL sont prévues par le Conseil fédéral pour le premier trimestre 2025. En attendant des directives claires, les distributeurs ne sont pas encore totalement fixés sur les démarches à entreprendre, ce qui explique que les consommateurs n’aient pas encore été informés de cette possibilité de constituer une telle communauté. Ça peut pourtant aller très vite : dans un avenir proche, on peut très bien imaginer que chaque consommateur participe à au moins une communauté électrique pour couvrir une partie de ses besoins.

 

Justement, a-t-on une idée de ce que vont représenter les communautés énergétiques dans les années à venir ?

S’il est encore difficile d’estimer l’impact de ces communautés, elles pourraient cependant transformer significativement le paysage énergétique. Les objectifs à 2050 pour le photovoltaïque donnent une idée de leur potentiel de développement. En Autriche, où un modèle similaire a été adopté, elles ont d’ailleurs montré un potentiel rapide de croissance. En pratique, tout dépend non seulement du déploiement des installations solaires, mais aussi de la motivation des producteurs/consommateurs à se regrouper, que ce soit dans un objectif d’autoconsommation ou de commercialisation du courant dans un cadre élargi jusqu’à la commune. Ces possibilités devront être étudiées avant tout projet de construction d’une nouvelle installation photovoltaïque, au moment du calcul de rentabilité. On ignore encore quel sera le tarif minimum auquel les distributeurs auront l’obligation de racheter le courant réinjecté – les ordonnances d’application de la loi sur l’électricité étant en discussion –, mais on parle de 4,6 à 6 centimes seulement par kWh pour les installations résidentielles et… rien du tout pour les installations entre 30 et 150 kW. Si l’on ne met pas en place des communautés énergétiques, ce ne sera pas rentable pour les propriétaires ! On observe d’ailleurs depuis quelques mois un ralentissement du marché des installations solaires.

 

Comment dSYDE SA accompagne-t-elle les producteurs/consommateurs dans la création et l’optimisation de telles communautés énergétiques ?

Nous proposons un accompagnement de A à Z. Nos prestations incluent l’étude de faisabilité, les études de potentiels, les calculs de rentabilité, les discussions avec la PPE et les voisins, ainsi que l’établissement des contrats. Techniquement, on doit aussi s’assurer de l’installation de smart meters et d’une plateforme règlementaire pour gérer la facturation. Nous mettons également en place les systèmes d’optimisation pour favoriser au maximum la consommation propre. À travers le suivi de la facturation et de l’exploitation, nous nous assurons enfin que la communauté énergétique répond bien aux attentes de ses membres.

Propos recueillis par Elodie Maître-Arnaud

 

L’expert

Lucien Debons

Ingénieur en électrotechnique, Lucien Debons a fondé dSYDE SA en 2024. Ce bureau d’ingénierie conçoit et met en place des systèmes sur mesure pour le partage et la consommation locale d’énergie renouvelable, notamment à travers les pompes à chaleur, la mobilité électrique et les batteries de stockage.

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